
Le travail isolé concerne une partie importante des salariés : on estime que 5 à 15 % des travailleurs se trouvent dans cette situation, au moins ponctuellement. Face à ce phénomène, il est essentiel pour les employeurs de mettre en place des mesures de prévention et de sécurité adaptées.
Cet article explique qui est concerné, les risques liés au travail isolé, les obligations légales, et les solutions pour protéger les salariés. Nous proposerons aussi des conseils et bonnes pratiques à suivre pour les entreprises afin d’assurer la protection de ces employés isolés et une intervention rapide des secours en cas d’incident.
Qu’est-ce qu’un travailleur isolé ?
La définition du travail isolé
Un salarié est considéré comme un travailleur isolé s’il effectue ses missions sans pouvoir être vu ou entendu de ses collègues ou d’un responsable en cas de détresse. Cela signifie que la personne n’est pas en mesure de pouvoir notifier ou alerter un superviseur en cas d’incident.
La définition légale du travail isolé
Bien qu’il n’existe pas de définition légale précise du travailleur isolé, ce terme désigne généralement un salarié qui accomplit sa mission seul, dans un environnement où il ne peut pas être vu ou entendu par d’autres personnes et où les chances de rencontrer un collègue sont très limitées.
Deux arrêts de la Cour de Cassation ont cependant apporté davantage de précisions sur la définition du travailleur isolé :
- Un salarié est considéré comme étant dans une situation de travail isolé s’il « travaille dans un lieu où il est seul [et] n’est pas à portée de la vue et de l’ouïe d’autrui » (Cass. crim., 25 novembre 2008, n°08-81.995)
- Dans un autre arrêt, un salarié est considéré comme un travailleur isolé dès lors qu’il est “hors de vue du chef de manoeuvre, sans moyen de communication entre eux” (Cass. crim., 5 décembre 2000, n°00-82.108)
Des exemples de situations de travailleurs isolés
Il existe des travailleurs isolés dans tous les domaines et dans de nombreux métiers. Parmi les cas fréquents de travail isolé, on peut trouver :
- Les agents de sécurité de nuit
- Les responsables de maintenance
- les livreurs
- Les aides à domicile
Ainsi, les secteurs de la maintenance, des services, de la livraison sont des secteurs particulièrement exposés à des situations de travail isolé.
Ces situations devront être recensées par les responsables HSE ou de sécurité car la protection des travailleurs seuls est une obligation légale pour l’employeur.
Comment identifier un travailleur isolé ?
Quels critères définissent un cas de travail isolé ?
Un salarié est considéré comme un travailleur isolé lorsqu’il exerce une activité hors de portée de vue ou de voix de ses collègues, sans possibilité de recevoir rapidement de l’aide en cas de problème.
Ainsi, les critères principaux du travail isolé sont :
Des conditions d’isolement immédiat :
- Absence de visibilité (pas de collègues à proximité directe).
- Absence d’audibilité (impossible d’appeler à l’aide, environnement bruyant, locaux éloignés).
- Distance physique avec le reste de l’équipe.
Isolement géographique du travailleur :
- Salarié seul sur un site éloigné, en extérieur, ou dans une zone confinée.
- Interventions sur des chantiers ou sites étendus sans présence constante d’autres travailleurs.
Isolement temporel du salarié :
- Activité réalisée en dehors des heures habituelles (nuit, horaires atypiques).
- Permanences ou gardes en solitaire.
- Horaires décalés (travail de nuit, week-end, astreintes).
Des exemples concrets de travail isolé
1. Travailleur isolé dans la fonction publique
Exemple : un agent technique municipal chargé de l’entretien d’un bâtiment seul le soir, ou un agent des espaces verts affecté à une zone reculée.
Critères : isolement géographique (travail en extérieur, zones éloignées) + isolement temporel (horaires décalés).
2. Travailleur isolé dans un bureau
Exemple : un salarié administratif qui reste seul tard le soir pour terminer une tâche, alors que le reste du personnel est parti.
Critères : isolement temporel (présence hors horaires de bureau) + absence de visibilité et d’audibilité (aucun collègue à proximité).
3. Travailleur isolé de nuit
Exemple : un agent de sécurité dans un entrepôt vide ou un soignant en tournée à domicile la nuit.
Critères : horaires décalés (travail nocturne), isolement géographique (site étendu, domicile des patients), absence de soutien immédiat.
Faut-il que la tâche effectuée seul soit longue et régulière pour être considéré comme un travailleur isolé ?
Il n’y a pas besoin que la mission effectuée par l’opérateur seul soit prolongée et habituelle pour être considérée comme un cas de travail isolé. Une tâche ponctuelle et de courte durée est considérée comme un isolement dès lors que la personne est hors de vue et d’ouïe de ses collègues ou d’un responsable.
Les métiers et secteurs exposés au travail isolé
Quelles sont les professions les plus exposées ?
Il n’existe pas un métier spécifique lié au travail isolé. De façon générale, de nombreux postes peuvent être confrontés à des situations d’isolement de façon régulière ou ponctuelle, prolongée ou courte.
Parmi les situations les plus fréquentes de travail isolé, on peut noter :
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Les techniciens de maintenance
-
Les travailleurs dans le BTP
-
Les conducteurs de train
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Les surveillants de nuit
- Etc.
Quels sont les secteurs dans lesquels on retrouve le plus de travailleurs isolés ?
Les secteurs les plus exposés sont les domaines du BTP, de la maintenance et des services. Dans ces secteurs, les salariés effectuent en général leurs tâches seuls et se déplacent souvent.
En outre, sur certains sites industriels, l’environnement expose de fait les salariés à des situations de travail isolé en raison de l’organisation du travail ou de la configuration de l’outil de production : espaces confinés, densité des infrastructures, etc.
Travaux interdits dans le cas d’un travailleur isolé
Certains types de travaux présentent des risques si élevés qu’ils ne peuvent jamais être réalisés seul. La réglementation impose en effet la présence d’une assistance ou d’une surveillance permanente pour garantir la sécurité du salarié.
Les travaux en hauteur
Le travail en hauteur présente de nombreux problèmes de sécurité et des risques d’accidents importants. En effet, ce type d’activités comporte un risque majeur de chute, pouvant entraîner des blessures graves voire mortelles. Il peut notamment s’agir d’interventions sur toitures, échafaudages, nacelles élévatrices, pylônes, charpentes.
Selon l’Assurance Maladie (communiqué du 15 mars 2022), les chutes représentent 20 % des accidents du travail tous secteurs confondus.
Ces tâches nécessitent impérativement une équipe ou au minimum un binôme pour assurer des secours immédiats en cas d’accident. L’employeur devra donc mettre en place des protocoles et des dispositifs spécifiques pour faire face à ces risques.
Les installations électriques
Les interventions sur ou à proximité d’installations électriques comportent un risque d’électrocution ou d’incendie. Ces situations dangereuses se retrouvent notamment lors des opérations de maintenance sous tension ou les dépannages de câblages haute tension.
La réglementation interdit d’exécuter seul ce type de travaux : un collègue doit pouvoir couper l’alimentation ou alerter immédiatement les secours.
Ce type de situation de travail nécessite donc également une grande vigilance de la part des employeurs.
Les environnements hyperbares
Le travail en milieu hyperbare (plongée, travaux sous-marins, interventions en caisson) expose à des risques graves : noyade, décompression, intoxication.
La législation impose toujours la présence d’une équipe d’assistance spécialisée et formée à ce type d’intervention.
Le travail sans assistance
Au-delà des cas spécifiques, certains environnements à haut danger exigent obligatoirement une présence humaine ou technique supplémentaire.
- Espaces confinés (silos, cuves, galeries).
- Milieux ATEX (atmosphères explosives).
- Zones exposées aux produits chimiques ou gaz toxiques.
Dans ces situations, le travail isolé est soumis à des règles strictes. Par exemple, un surveillant doit accompagner toute opération de salarié en espace confiné.
Les risques liés au travail isolé
Les risques de retard d’intervention des secours
Un des principaux dangers du travail isolé est de retarder la prise en charge par les secours du travailleur en détresse. En effet, lorsqu’un salarié n’est pas à proximité directe de ses collègues, tout incident ne sera pas immédiatement remarqué et notifié.
Or la prise en charge dans les meilleurs délais est non seulement une obligation légale mais aussi une nécessité pour limiter les conséquences d’un accident. En effet, dans de nombreux cas, les minutes comptent pour éviter des séquelles trop importantes. Par exemple, en cas d’AVC ou de crise cardiaque, le délai d’intervention des secours et de prise en charge va directement impacter les chances de survie de la personne.
Les risques d’accidents et de santé
Le travailleur isolé fait face à plusieurs risques d’accidents lorsqu’il effectue ses tâches. On peut par exemple mettre en avant les dangers suivants :
- Chutes
- Malaises
- Agressions
- Exposition à des produits dangereux (produits chimiques toxiques, produits inflammables, liquides bouillants, etc.)
Les risques psychologiques du travail isolé
Le travail isolé est une situation qui peut être source de stress ou d’isolement psychologique. En effet, travailler sans proximité directe avec ses collègues peut être source d’inquiétude pour le salarié en raison de son impossibilité de notifier une situation d’urgence. En outre, l’exposition accrue à des dangers peut aussi être source de stress pour ces travailleurs seuls (zones ATEX, hauteur, produits chimiques, chambres froides, etc.).
La protection du travailleur isolé
La protection des travailleurs seuls est une nécessité afin de garantir la sécurité et la santé des salariés dans une entreprise. De plus, il s’agit d’une obligation légale pour les entreprises et les employeurs.
Cette obligation vient notamment de l’obligation générale de sécurité (Art. L.4121-1 du Code du travail). Mais il existe également des articles spécifiques du code du travail qui concerne les travailleurs isolés. En outre la jurisprudence permet d’éclaircir la définition et les obligations de sécurité des employeurs.
Dans ce cadre, plusieurs mesures doivent être mises en place par les entreprises.
Mesures organisationnelles
Parmi les mesures qui peuvent être mises en place dans une entreprise pour faire face aux dangers du travail isolé, on peut noter :
- Formation des travailleurs
- Réduire le nombre de travailleurs seuls
- Réduire la durée du travail dans les zones à risques ou les cas de travail isolé
- Mettre en place des consignes et des protocoles clairs pour toutes les situations à risques ou cas de travail isolé
- Surveillance par une seconde personne
- Etablir un plan d’intervention
Dispositifs de protection DATI
Un des équipements nécessaires à la protection des salariés isolés est le DATI (Dispositif d’alarme pour travailleur isolé). Le rôle du DATI est de détecter un incident et d’alerter automatiquement les secours ou un responsable pour venir en aide à l’opérateur en détresse.
Ce dispositif DATI doit permettre de compenser les risques liés au travail isolé grâce à un dispositif de sécurité qui alerte un responsable quand cela est impossible au salarié.
Cela permet également à l’employeur d’être conforme à la réglementation qui impose une prise en charge dans les meilleurs délais du travailleur isolé en détresse.
Mesures liées à l’environnement de travail
D’autres mesures peuvent être mises en place pour limiter les risques dus à l’environnement de travail :
- Aménager les postes de travail de façon à rendre visible un accident ou pour limiter les dangers
- Marquage et zonage ATEX, etc.
Conclusion sur le travailleur isolé et les mesures à prendre pour garantir sa sécurité
Le travailleur isolé fait face à des risques spécifiques qui peuvent avoir des conséquences graves : accidents, agressions, détresse psychologique. Sa protection représente donc un enjeu majeur pour les entreprises, à la fois en termes de sécurité des personnes, de prévention des accidents et de responsabilité légale et morale de l’employeur.
Mettre en place une stratégie de PTI (Protection du Travailleur Isolé), appuyée par des dispositifs adaptés comme les DATI (Dispositifs d’Alerte pour Travailleur Isolé), est indispensable pour réduire les risques, rassurer les salariés et assurer la conformité réglementaire.
Protéger les travailleurs isolés, c’est investir dans la sécurité, la qualité de vie au travail et la pérennité de l’entreprise. Chaque entreprise a donc tout intérêt à identifier les situations d’isolement, à mettre en place des solutions adaptées et à sensibiliser ses équipes afin de garantir à chacun des conditions de travail sûres et sereines.
FAQ
Le travail isolé doit-il être une tâche longue et habituelle ?
Non, l’activité réalisée seul par un travailleur n’a pas besoin d’être longue ou habituelle pour être considérée comme un cas de travail isolé. Une tâche exceptionnelle ou ponctuelle et même une tâche de courte durée constitue un cas de travail isolé dès lors que le salarié n’est pas en mesure de notifier sa détresse à un collègue à proximité (par la vue ou l’ouïe).
Combien y a-t-il de travailleurs isolés en France ?
On estime qu’il y a entre 5 et 15% de travailleurs isolés en France. L’estimation de ce chiffre est complexe en raison de la définition même du travailleur isolé. En effet, un cas d’isolement exceptionnel sera considéré comme du travail isolé. Dès lors un grand nombre de salariés peuvent se retrouver dans cette situation.
Ces chiffres importants nous permettent de comprendre que la protection des travailleurs isolés est un enjeu essentiel dans les entreprises.
Les travailleurs isolés doivent-ils nécessairement être équipés de DATI ?
Non, il n’existe obligation d’équiper un travailleur isolé de DATI. En revanche, un travailleur doit pouvoir être secouru dans les plus brefs délais en cas de détresse pour que l’entreprise soit conforme à la réglementation. Cela implique de fait pour l’employeur de mettre en place des protocoles et/ ou des dispositifs adaptés pour permettre cette prise en charge.
Quelles sont les obligations légales de l’employeur en matière de travail isolé ?
- Garantir la sécurité du salarié
- Identifier les situations d’isolement
- Mettre en place des procédures et dispositifs adaptés
Quels dispositifs de sécurité pour sécuriser un travailleur isolé ?
Il existe plusieurs types de systèmes de protection selon les besoins de l’entreprise et l’activité des salariés :
- DATI/PTI
- Formation et consignes claires
- Organisation en binôme ou équipe
- Aménagements spécifiques (ATEX, espaces confinés)
Quelle est la responsabilité de l’employeur en cas d’accident d’un salarié isolé ?
En cas d’accident, l’employeur peut voir sa responsabilité civile et pénale engagée s’il n’a pas respecté ses obligations de sécurité envers le salarié isolé.